• Musée des Beaux Arts d'Arras

    Pour la première intervention de Panoramique lors de la nuit des Musées en mai 2010, le Musée des Beaux-Arts d'Arras nous a offert un site vaste et riche dans les locaux de l'ancienne Abbaye Saint-Vaast. D'emblée ont émergé l'ensemble des questions qui se poseraient à nous à chaque nouvel espace, et, en particulier, celle de faire le choix de la portion de lieu qui offre à la fois un regard à 180° et recèle une variété de possibles stimulants pour notre imaginaire en mouvement.

    Ainsi, arrivés en repérage préliminaire à Arras lors d'une froide journée de décembre, nous avons d'entrée de jeu été saisis pas un recoin du cloître, lumineux et inspirant, qui appelait notre désir de performance et proposait un regard large ouvert sur deux ailes assez profondes pour y projeter d'éventuelles apparitions. Deux jours d'essais sur place avec un peu de matériel de captation nous ont vite fait déchanter et découvrir que ce qui semble appeler la danse ne supporte pas nécessairement les développements vidéos que nous mettons en jeu dans cette relecture dansée et filmée de l'espace.

    C'est donc dans l'ancien réfectoire que nous avons choisi de nous installer, tenant compte de conditions plus favorables d'obscurité, de chaleur et de calme, ce lieu étant un peu à l'écart des visites régulières du musée. Le revêtement des murs moins favorable à l'accueil de la projection, des boiseries foncée jusqu'à une hauteur de presque 1m50, a finalement été complétement intégré à notre proposition, faisant du demi-plié un passage obligé dans la danse afin de se mettre à niveau.

    Ce nouveau lieu, vibrant encore de l'écho des repas silencieux des moines, est devenu notre repère, de l'impressionnant Jordaens côtoyé jour après jour à l'immense cheminée et aux nombreuses portes, ouvrables ou non, nous en avons peu à peu fait notre maison éphémère. Adoptant aussi les horaires muséaux et leurs contraintes, les temps de pause obligatoire lorsqu'il est mis sous alarme, et rencontrant surtout ses occupants, les gardiens et le personnel d'accueil et de médiation, notre pratique s'est inconsciemment imprégnée d'un rythme particulier. Même si bien entendu nos temps d'exploration se sont largement étendus à la nuit, sous la surveillance bienveillante de l'un ou l'autre habitant de cet espace hors du temps.

    Le soutien chaleureux et indéfectible de la direction du Musée, nous a permis une grande latitude d'exploration, bénéficiant de l'aide de l'un ou l'autre selon nos demandes. Ainsi nous avons eu la joie de pouvoir intégrer au projet un gardien qui oeuvrait dans notre zône, que nous avons surnommé "Barbe Bleue" car son énorme trousseau de clef n'a pas eu raison d'une porte condamnée et derrière laquelle toutes les imaginations étaient permises. Barbe-bleue a eu la gentillesse de bien vouloir jouer pendant la performance le gardien assoupi qui, surpris par notre caméra, sonnait les cloches à toute volée comme pour réveiller les esprits des lieux endormis.